« Une visite privée chez un peintre »
Catherine, 43 ans, guitariste.
« Je sortais d’un profond chagrin lié à la perte d’une maison à laquelle j’étais viscéralement attachée. C’était en Provence et j’allais souvent dans une jolie boutique où, ce jour-là, j’ai feuilleté un livre. L’ouvrage d’un peintre que j’aimais, ami de la propriétaire du magasin. Elle et moi n’étions pas du tout intimes, mais elle m’a néanmoins proposé de visiter l’atelier de ce peintre dans son mas. Un émerveillement. Du jardin à chaque détail des pièces, tout était follement beau. Pas luxueux du tout, mais d’une poésie qui vibrait partout. Un univers d’artiste, très personnel, plein de trouvailles et de charme. Le contraire des maisons exhibées dans les magazines, toutes semblables avec leurs décos conventionnelles. Grâce à cette visite, qui m’a été offerte, j’ai compris l’importance de nourrir toujours et librement son inspiration. »
L’avis de la psy
Valérie Blanco, psychanalyste, auteure du livre Dits de divan, paru aux éditions de l’Harmattan.
Pourquoi ces dons tout simples nous comblent-ils autant ?
Parce que l’être humain est habité par un manque fondamental qui crée de l’angoisse donc, du désir. Mais ce manque, que l’on prend pour un « manque à avoir », et en réalité un « manque à être », selon la formule de Lacan. La dimension du manque, chez l’être humain, c’est celle du « manque à être ». Ces dons ont en commun de toucher la dimension de l’être, chez celui qui les offre et chez celui qui les reçoit.
Les beaux objets de nos désirs n’ont donc pas ce pouvoir ?
Pour colmater ce trou, ce manque, on va chercher à posséder, à « avoir de l’avoir plein nos placards ». Cela va nous donner de la valeur, nous faire briller. Ce qui est important, bien sûr, car cela stimule aussi le désir. Mais une fois passée la satisfaction de posséder l’objet du désir, on se rend compte que notre manque est toujours là. Ce qui provoque un retour de notre insatisfaction.
Tous ces petits riens sont des surprises. Cela joue-t-il ?
Oui. Car en supprimant la dimension de l’attente et de la demande, on supprime également celle de la dette. Derrière un beau cadeau surgit toujours la question : « qu’est ce qu’il me veut, au fond ? ». Dans ces « dons de riens », je n’ai rien à rendre. En cela, ce sont des dons d’amour sans condition. Et cela produit une ouverture intérieure, qui ordonne les choses autrement.